Ou comment rassurer nos jeunes avec des postures modélisantes.
Un échec qui m'a permis de trouver ma voie :
En 2008, je passe l’agrégation d’histoire et le CAPES d’histoire-géographie : je suis passionnée d’histoire et d’éducation depuis mon enfance, c’est donc naturellement que je me suis tournée vers l'Éducation Nationale pour devenir professeure. J’arrête alors mon job étudiant pour me consacrer entièrement au concours, et je commence à potasser.

Après une année très complexe à travailler sept jours sur sept, à me lever le dimanche matin pour ficher des ouvrages sur l’économie byzantine du Moyen-Age ou la pêche en Grèce Antique, je suis admise à l’oral du CAPES et je pars donc pour Châlons en Champagne en vue des oraux. Tout se passe bien : je tombe sur l’importance ou non de la biographie en histoire, je prends plaisir à travailler ce sujet et le présente avec enthousiasme. Une candidate, qui a assisté à mon oral, me dit que c’était intéressant et que je suis très à l’aise à l’oral, qu’on sent que j’aime cela. Pour moi, c’est dans la poche !
Pourtant le 11 juillet 2008, les résultats tombent : il me manque... trois points. L’admission est à 101 et je suis à 98 avec un 5/20 en historiographie. Je suis abasourdie, je ne comprends pas... C'est seulement l'année suivante, en préparant à nouveau le concours, que j’ai compris que le plan ne correspondait pas aux attentes du jury.

Rebondir
Je décide de retenter le concours mais comme je n’ai plus d'économie, je reprends un job étudiant dans un collège pour faire du soutien scolaire. J'ai alors une révélation : je me rends compte que le courant passe extrêmement bien avec les adolescents, et que je prends énormément de plaisir à travailler avec eux. En août 2009, je profite alors de la création du statut d'auto-entrepreneur pour créer ma première agence de soutien scolaire : elle se nommera Précepteur. J’ai 24 ans et je deviens un travailleur indépendant. Par la suite, je trouve alors un poste dans un collège privé hors contrat qui prépare au baccalauréat des élèves en sport études, mais ils me proposent d’enseigner les mathématiques et le management, en plus de l’histoire-géographie. Passé la peur de ne pas être à la hauteur, je prends finalement plaisir à enseigner différentes matières. Ce poste me permet de cumuler mon activité de soutien scolaire et de commencer à enseigner en classe. Par la suite, j’ai occupé un poste dans un lycée de confession juive à Paris, puis dans un lycée hors-contrat pour faire uniquement de la méthodologie. En 2014, je trouve un peu par hasard un poste dans ma région, à Rouen, en CFA. Je quitte alors les lycées parisiens pour aller enseigner à des élèves en CAP . Mon proviseur de Paris me prévient “Juline, n’allez pas en CFA, vous allez vous ennuyer !”. Et pourtant, ce fut à n’en pas douter mes plus belles années en tant qu’enseignante.

La création de la classe autonome
Les élèves du CFA ont souvent avec un passif très complexe avec l’école, ils m’ont donc donné le plus beau des défis : comment intéresser à l’histoire des élèves qui étaient là pour devenir boucher ou boulanger ? Après quelques années à leur côté, je décide de tout changer et d’expérimenter une toute nouvelle façon d’enseigner. Enfin, nouvelle seulement pour moi : puisqu'inspirée de pédagogues et d’enseignants bien plus anciens, tels que Montessori, Freinet, Decroly, Mme de Genlis... Je change le rythme, la posture, les types d’activités ; je m’appuie sur les recherches en neurosciences et je développe alors la classe autonome. Ce fut un succès incroyable! J’ai vu tous mes élèves se mettre au travail, augmenter leurs notes, apprendre à coopérer, s’entraider, s’autocorriger. J’en ai même entendu râler quand la sonnerie de fin de cours retentissait!

Oser sortir des sentiers battus
Poussée par la réussite de mes classes, et soutenue par ma direction au CFA et mes collègues, j’ai l’idée de candidater pour le Global Teacher Prize décerné par la Varkey Foundation. Quelques semaines après ma sélection, j'apprends que je fais partie du TOP10 et que je vais participer à la finale : c’est la première fois que la France se hisse aussi haut dans le classement, et la médiatisation qui s'en suit met en lumière les pédagogies actives. A force de rencontres avec des enseignants qui, comme moi, sont passionnés par leurs métiers, mais qui rencontrent les mêmes difficultés sur le terrain, je décide de créer l'Institut Pédagogique pour transmettre mon expérience aux établissements qui souhaitent mettre en place des solutions pédagogiques appropriées.
Quand la vie te refuse ce que tu souhaites, c’est peut-être qu’elle te réserve mieux !
Cette semaine un de mes élèves m’a dit : “ c’est marrant quand même ton histoire : tu as été recalée au concours pour devenir prof et aujourd’hui on t’appelle pour les former”. Cet élève avait raison... Sans l'échec au CAPES, je n'aurais peut-être pas eu l'occasion de comprendre qu'au delà de ma passion pour l'histoire, c'est la transmission sous toutes ces formes qui m'anime donne du sens à mon quotidien. Au travers des expériences qui ont suivi, j'ai eu l'occasion de me questionner, de me former, de tester des méthodes, de mon confronter à d'autres matières et à d'autres niveaux. En formant dans les CFA, Greta, MFR, lycées agricoles et horticoles, je rencontre de nombreux enseignants avec des parcours similaires au mien qui enseignent avec passion et créativité, qui ont des étoiles plein les yeux et les transmettent à leurs élèves. L’échec n’est pas une fin en soi, c’est l'occasion d’essayer autre chose, et parfois de se révéler !
Quelques ressources pour accompagner vos jeunes :
L'association TADAM qui aide les jeunes en difficulté dès le collège, à devenir acteurs de leur scolarité et à trouver leur place dans la société.
Le week-end de révision que nous organisons chaque année, qui a pour objectif de transmettre des outils de méthodologies et de soft skills, à utiliser dans ses études et dans la vie
Notre padlet ORIENTATION qui comprend un module pour aider les jeunes à mieux se connaître et un module d'aide pour ParcourSup (pour demander leur code l'accès gratuit, il suffit de nous écrire à l'adresse formations.ipar@gmail.com).
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